Micha González est originaire de Veracruz (Mexique). Dans sa famille, l'art se transmet de génération en génération : son père, ses grands-parents et ses arrière-grands-parents étaient photographes, et sa mère était vitrailliste. En grandissant, Micha a appris la technique du vitrail aux côtés de celle-ci, et passé des heures à travailler la photo dans des chambres noires.
Aujourd'hui, elle vit à Mexico City et son activité de créatrice de bijoux marche très bien. Elle a mis un certain temps à trouver sa voie, puisqu'elle a commencé par étudier l'architecture et l'histoire, avant de partir suivre une formation de souffleur de verre à Barcelone. Pendant ses études, une grève a éclaté à l'université. Comme rien ne permettait d'en prévoir la durée – des mois, des années ? – Micha a choisi une solution de repli en s'inscrivant à un cours de bijouterie, qui lui a vraiment plu. Mais la grève s'est terminée rapidement, et Micha a fini sa formation de souffleur de verre avant de rentrer chez elle, à Veracruz, où elle a commencé à travailler le verre pour des installations destinées à des galeries d'art. « Je n'aurais jamais pensé que je deviendrais créatrice de bijoux vingt ans plus tard », s'étonne Micha.
Après avoir déménagé à Mexico City en 2011, Micha a pris un emploi alimentaire pendant la semaine, et s'est mise à travailler dans une galerie le week-end pour satisfaire son âme d'artiste. Elle a commencé à suivre des cours de bijouterie et à occuper ses soirées à créer ses premiers modèles. Dans un premier temps, la transition s'est faite pour des raisons pratiques. Un souffleur de verre a besoin de beaucoup d'espace et de matériel, alors que la création de bijoux est bien plus simple de ce point de vue. À mesure que des créations ont commencé à naître de ses mains, Micha a pris confiance en elle. Un jour, en 2015, alors qu'elle travaillait à la galerie, la propriétaire lui a fait des compliments sur la bague qu'elle portait. En apprenant qu'elle l'avait dessinée et fabriquée elle-même, elle lui a proposé de vendre ses bijoux dans la galerie. « C'est comme ça que je me suis rendu compte que mes créations plaisaient aux gens », se souvient Micha.
La même année, Micha a perdu sa mère et contracté une pneumonie. Ces deux événements l'ont poussée à se consacrer entièrement à son art. « À ce moment-là, j'ai pensé qu'il était temps que je fasse enfin ce qui me plaisait vraiment. J'avais 45 ans, donc il fallait que je me lance », raconte Micha. Elle a donc quitté un emploi lucratif pour s'installer comme orfèvre et ouvrir une boutique Etsy.
Une technique historique
Micha travaille comme les Romains dans l'Antiquité : elle forge à la main des feuilles et du fil de métal précieux après les avoir chauffés. « Je dirais que peut-être 90 % de ma production est entièrement faite à la main », observe Micha. Pour répondre à la demande, elle utilise parfois des moules pour certains de ses modèles, mais le long processus de création à la main lui fait du bien. Micha trouve en effet un plaisir quasi méditatif dans les gestes méthodiques qu'elle doit faire pour scier, courber et limer le métal.
Le processus s'accorde parfaitement avec la sobriété et la beauté des bijoux qu'elle crée pour qu'ils puissent être portés au quotidien. En matière de design, elle croit fondamentalement que la beauté est le point où se rencontrent la sophistication et l'élégance d'une part, la simplicité et la fonctionnalité de l'autre. Lorsqu'elle crée un modèle, Micha ne fait pas de dessin préparatoire. « Je passe directement à la fabrication. C'est plus facile pour moi de couper et de scier le métal que d'écrire et de dessiner ce que j'imagine. Je ne sais pas pourquoi, mais je fais toujours le contraire de ce qu'il faudrait », s'amuse Micha.
Inspiration et design
Les matériaux eux-mêmes sont source d'inspiration pour Micha, qui imagine de nouveaux modèles en observant les pierres et les feuilles de métal dont elle dispose. Le livre sur les bagues anciennes qui lui tient lieu de tapis de souris lui a aussi révélé une collection de modèles dont la beauté a traversé le temps. Si certaines de ces bagues s'ornent de motifs complexes, d'autres arborent une sobriété dont Micha s'inspire pour ses créations.
Elle pense également à ses clientes lorsqu'elle imagine de nouveaux modèles. « La manière dont les femmes portent mes bijoux tracent la voie que j'explore en tant qu'artiste », constate Micha. Une de ses clientes de la première heure est devenue une amie. « Lorsque je vois à son doigt une bague que j'ai créée il y a trois ans, je mesure le chemin parcouru et ça me montre dans quel sens je peux avancer », explique Micha. Avec le temps, elle fait évoluer certains de ses modèles existants en changeant la forme de la pierre ou d'autres détails.
Recherche de matériaux et développement durable
Micha a pu constater les dégâts commis par des sociétés minières peu scrupuleuses sur la population d'une région. Il y a quelques années, certaines ont commencé à exploiter des terrains proches de sa ville natale, Veracruz, et contaminé l'eau et l'air, forçant les gens à partir. L'extraction de pierres précieuses n'est pas toujours éthique, non plus. Des explosifs sont souvent employés, et il n'est pas rare que des enfants travaillent dans ces mines.
« Lorsque j'ai commencé à faire des bijoux et à travailler le métal, je me suis demandé comment je pouvais me prétendre éthique si j'utilisais des métaux et des pierres extraits de cette façon », se souvient Micha. Elle a donc cherché des alternatives. On lui a parlé de métaux recyclés et de son côté, elle a trouvé des fournisseurs de pierres équitables, qui travaillent à la main.
Croire en son intuition
Avant de devenir une créatrice reconnue, Micha n'a pas suivi un parcours linéaire. Elle ne regrette pourtant aucun des choix qu'elle a faits, et n'en considère aucun comme une erreur. Tout ce que l'étude de l'histoire et de l'architecture et ses installations de verre soufflé lui a appris a nourri son inspiration en tant que créatrice de bijoux. « Les bijoux que je crée ne sont pas simplement des objets commerciaux, je veux que vous aimiez les porter, qu'ils fassent partie de vous. C'est important pour moi ». Micha a trouvé son mode d'expression artistique dans la création de bijoux. De la période où elle concevait des installations artistiques, Micha a conservé l'habitude d'appeler ses bijoux des « pièces », comme s'ils devaient être exposés. « Tout ce que j'ai appris et fait avant, tout est là », dit-elle.
Elle a suivi un parcours fait de tours et de détours, mais tous ont contribué à la porter où elle est à présent. « Le changement ne me fait pas peur, je ne crains pas de faire des erreurs. S'il faut changer quelque chose, j'y vais franchement. J'ai confiance en moi. » L'année dernière, Micha a eu la chance de pouvoir acheter un terrain, et ses créations sont vendues dans trois boutiques à Mexico City et au musée d'art de San Antonio. Micha se réjouit chaque jour du chemin parcouru.
« Je m'assieds à mon établi, et chaque fois je me demande qui peut bien avoir besoin d'un bijou dans le monde complètement fou et sans repères où nous vivons. Qui a besoin d'une bague, ou d'une breloque ? Et puis, je me réponds à moi-même que l'art est important, que la beauté est essentielle, que les bons moments comptent. Alors je me dis que ça aussi, c'est important, de créer des choses qui vont embellir la vie de quelqu'un. »
Photo : Donna Irene